Lobbying du tabac : enquête sur ce mal toxique
En début d’année, Emilie O’Reilly, médiatrice européenne, a enjoint l’exécutif à rendre publiques les relations entre les parlementaires européens et l’industrie du tabac. L’objectif : clarifier ces relations et disposer d’outils pratiques pour veiller à la bonne administration des institutions. Le résultat : la Commission européenne a largement ignoré cette demande du gendarme européen. Dont acte. Le problème, c’est que ce lobbying ne touche pas que l’UE, mais aussi des scientifiques, des sénateurs, des parlementaires français. Petite enquête par Ciga sur ce mal toxique qu’est le lobbying des cigarettiers.
Cigarettiers : le lobby le plus important à Bruxelles…
5 millions d’euros et 100 personnes : c’est le budget annuel et les moyens mis en œuvre par l’industrie du tabac pour représenter ses intérêts auprès des élus européens. Et les pratiques sont rôdées. Fin 2013, Le Parisien révélait, documents internes du cigarettier à l’appui, que Philip Morris avait établi un fichage systématique des eurodéputés français pour les classer « selon leur proximité supposée avec l'industrie cigarettière et en spécifiant le degré d'urgence de les approcher » ! Edifiant.
Le quotidien va plus loin en affirmant que les documents auxquels il a eu accès liste également les 161 lobbyiste de Philip Morris avec les « budgets » qui leurs sont affectés. En moyenne, chaque lobbyiste dispose de… 548 927€ par an pour l’organisation « d’événementiels » avec les eurodéputés. Autant dire que la destination réelle de ces sommes est totalement obscure et ne laisse présager rien de bon…
De fait, en 2012, John Dalli, commissaire européen à la santé a été poussé à la démission suite à des soupçons de corruption… par l’industrie du tabac.
Pire, lors de la mise en place de la directive tabac, la fameuse TPD, au moment de finaliser la révision, le Président du Comité d'Ethique, Michel Petite, est poussé vers la sortie... à cause de conflits d'intérêts. De fait, il est avocat dans le cabinet de Philip Morris, évidemment. Problème : c'est lui qui avait la charge de repérer les conflits d'intérêts des autres commissaires européens. Le plus drôle, c'est qu'il avait été confirmé dans sa fonction au moment où l'on démissionnait le John Dalli sus-nommé. Ironique, non ? Ou alors pensait-on que cela passerait inaperçu...
Ainsi, aujourd’hui, la pression de ces lobbies est telle que même les eurodéputés (du moins en partie), souhaitent que la commission européenne s’en libère, comme le rappelle Mediapart.
… Mais pas que !
Le problème, c’est que le lobby du tabac est une hydre aux multiples têtes, et qu’elle ne s’attaque pas qu’aux eurodéputés. Sénat, assemblée nationale mais aussi communauté scientifique : les industriels du tabac sont partout pour défendre leurs intérêts, et surtout minimiser les publications portant atteinte à leur cher produit.
Ainsi, le Comité National Contre le Tabagisme tire-t-il la sonnette d’alarme sur les conflits d’intérêts concernant les membres de l’Institut du cerveau de la Moelle Epinière (ICM), les députés socialistes dénoncent la pression des lobbies du tabac sur le Sénat et l’Assemblée Nationale et saisissent le déontologue de l’Assemblée, la Cour des Comptes relevait en mars dernier le fait que la loi ne permet « toujours pas de rendre compte de façon simple et directe des liens entre les professionnels de santé et l'industrie et, dès lors, de garantir l'absence de tout conflit d'intérêts susceptible d'affaiblir la décision sanitaire », comme le rappelle Le Figaro Santé.
Bref, le tabac est partout et son omniprésence étend un voile d’ombre, de suspicion et d’inquiétude sur toutes les règlementations, françaises et européennes, ainsi que de nombreuses études scientifiques. Comment, dans ce contexte, considérer nos institutions comme démocratiques ? Non seulement les législateurs sont sous influence mais en plus médias et communauté scientifique également, ne pouvant ainsi assurer leur rôle d’information des populations !
Heureusement, la vape est née d’une appropriation des consommateurs eux-mêmes d’un dispositif de sevrage, évolue sous l’impulsion des consommateurs eux-mêmes et fédère une vaste communauté. Voilà ce qui lui permet, pour l’instant encore, d’échapper à la mainmise généralisée de l’industrie du tabac. Mais pour combien de temps encore ?
Bonne vape !
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