Champix et cigarette électronique : une guerre ouverte ?
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Depuis que l’on en sait un peu plus sur les conditions de l’étude qui comparera l’efficacité du Champix et de la cigarette électronique, la communauté des vapoteurs est en émoi, sur les réseaux sociaux notamment. De fait, cette étude a pour but d’analyser, indépendamment des laboratoires pharmaceutiques, pour une fois, l’efficacité du Champix et de l’e-cigarette dans le sevrage tabagique. Malheureusement, il semblerait que le médecin en charge de l’étude connaisse mal le vaporisateur personnel. Le point sur la question.

Rappel : qu’est-ce que le Champix ?

Avant de faire le point sur les modalités de l’étude controversée, il semble bon de faire un point sur ce qu’est le Champix, ses effets et les polémiques que ce médicament soulève.

Champix est une marque commerciale déposée par Pfizer pour désigner un médicament composé à partir d’une molécule : la varénicline. Le principe de fonctionnement de la varénicline est simple : elle agit à la fois comme agoniste et antagoniste de la nicotine. En clair : elle se lie à certains récepteurs de la nicotine, limitant ainsi considérablement la libération de dopamine, notamment.

Ainsi, en se liant aux récepteurs nicotinique, la varénicline a deux effets conjoints et antagonistes :

  • Elle limite les effets du manque de nicotine (puisqu’elle sature certains récepteurs, simulant ainsi la présence de nicotine) ;
  • Elle réduit la sensation de plaisir liée au shoot de nicotine (dont nous parlions dans notre billet sur la 1ère clope du matin).

Ce deuxième aspect est capital dans le sevrage tabagique avec le Champix : pendant plusieurs jours après le début du traitement (de 1 semaine à 15 jours), il est recommandé de continuer à fumer, justement pour faire perdre la sensation de plaisir liée à l’acte de fumer.

Ce médicament a soulevé une polémique en raison des troubles mentaux qu’il pourrait développer : un très faible pourcentage d’utilisateurs faisant état de pensées suicidaires ou d’état dépressif… quasiment dans les mêmes proportions que les consommateurs du placebo ! En réalité, donc, si l’on exclut les quelques titres alarmistes de médias un peu trop soucieux de vendre du papier, le médicament ne serait pas réellement dangereux.

Voir la fiche du Champix sur le site stop-tabac.ch, sur le site de la HAS, et un excellent article sur le blog de Jean-Yves Nau.

Quel rapport avec la cigarette électronique ?

Dans un entretien avec Le Courrier des addictions portant sur l’efficacité de la cigarette électronique dans le sevrage tabagique, le Docteur Ivan Berlin, en charge de l’étude polémique, dresse un portrait plutôt positif de l’e-cig. Il y indique que, selon lui, l'e-cig est l'un des dispositifs les plus performants dans la délivrance de nicotine par exemple, en particulier les e-cig de dernière génération. Néanmoins, l'entretien est parsemé d’approximations témoignant de son manque de connaissance pratique du sujet (erreurs concernant la production de formaldéhyde, d'acroléine, etc.) !

Parallèlement, le Champix est présenté, dans une étude financée par Pfizer (évidemment…), comme efficace pour arrêter de fumer. Néanmoins, d’autres études annoncent qu’il n’est pas plus efficace que les substituts nicotiniques, contrairement à la cigarette électronique !

Soucieux de trouver une solution performante et relativement saine au sevrage tabagique, le Dr Ivan Berlin a donc cherché à conduire une étude comparant ces deux solutions.

Problème : la méconnaissance de l’e-cig

Le problème, soulevé par l’excellent vapingpost.com, vient d’un manque de connaissance du vaporisateur personnel, du comportement des vapoteurs et du matériel.

En effet, le Champix sera comparé à un placébo (jusque là tout va bien) et à deux types de liquides :

  • Un liquide tabac blonc en 0 mg
  • 1 liquide tabac blond avec un taux entre 10 et 16 mg/ml

En outre, les e-cig ne devront être utilisées qu’entre 6 et 9 Watts !

Or, on sait aujourd’hui que :

  • Les saveurs des e-liquides sont capitales pour arrêter de fumer avec la cigarette électronique ;
  • Le contrôle de la puissance par l’utilisateur est tout aussi important ;
  • Avec l’e-cig, pour arrêter de fumer, les vapoteurs font énormément jouer la puissance de vape.

En clair : les différents dispositifs testés ne joueront pas à armes égales ; le Champix est indéniablement favorisé par ces conditions d’étude !

Faut-il pour autant hurler à la manipulation, au conflit d’intérêt ou à la manipulation ? Pas du tout : le Dr Ivan Berlin lui-même se plaint dans l’entretien évoqué plus haut du manque d’études indépendantes et il ne souffre d’aucun conflit d’intérêt. Simplement, il méconnaît le fonctionnement de la cigarette électronique et les comportements des vapoteurs.

Et c’est bien dommage car, en réalité, Champix et cigarette électronique peuvent apparaître comme de bons partenaires à exploiter conjointement pour arrêter totalement de fumer.

Bref, espérons que, vu le million d’euros d’argent public en jeu, le chercheur module sa méthode et intègre éventuellement quelques spécialistes de la question à son équipe…

Bonne vape !

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